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 Faire revivre les forêts sauvages

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Faire revivre des forêts sauvages

Face au déclin de la biodiversité des forêts de France, mise à mal par la destruction des milieux naturels à des fins économiques, il est aujourd’hui essentiel de retrouver des espaces dépourvus de toute intervention humaine. À ce titre, l’association États Sauvages œuvre à l’achat de parcelles de forêts, qu’elle laisse en libre évolution, afin de préserver les espèces menacées et redonner toute sa place au sauvage.
À l’exception de Bialowieza, vestige de la fin de l’âge glaciaire régulièrement en proie à la déforestation, il n’existe plus aucune forêt primaire en Europe. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), plus de 80% des forêts originelles ont été abattues au cours du siècle dernier dans le monde.
Les forêts primaires, jamais inquiétées par l’intervention humaine, sont pourtant une ressource indispensable et extrêmement riche de biodiversité mais aussi de régulation du climat, précieuse dans le contexte de réchauffement actuel. Seulement voilà, il faut attendre près de 1000 ans avant que ce type de forêt ne se forme à partir d’un sol nu, et 800 à partir d’une forêt secondaire, qui a déjà subi une importante dégradation.
Alors, entre la forêt telle qu’on la connaît aujourd’hui, majoritairement exploitée et gérée par l’homme pour son bois, et la forêt primaire, telle que veut la réhabiliter le botaniste Francis Hallé, il existe tout de même des stades intéressants de forêt naturelle ou subnaturelle à développer.
C’est en ce sens que l’association États Sauvages, créée en 2019, œuvre depuis 4 ans à sensibiliser au fonctionnement des écosystèmes des forêts mais aussi à les préserver.
«  Au départ, nous avons voulu agir face au constat terrifiant de ce qui se passe autour de nous, mais aussi car les pouvoirs publics et les acteurs qui ont aujourd’hui les moyens de faire quelque chose ne prennent pas la mesure de la situation » explique Julie de Saint Blanquat, cofondatrice de l’association, pour La Relève et la Peste.
Afin d’’apporter sa pierre à l’édifice de la préservation des espaces forestiers, la petite équipe bénévole a lancé, en 2020, le projet « Forêts sauvages ». L’objectif : acheter des parcelles de forêt en France métropolitaine et les laisser vieillir, afin de retrouver tout leur caractère sauvage permettant de préserver leur biodiversité.
Les îlots de sénescence
L’association a pu acquérir sa première parcelle de 5,6 hectares, en 2021, dans le Cantal, grâce à un financement citoyen et du mécénat. Depuis, 3 autres forêts ont été achetées à des propriétaires privés en Île-de-France, en Normandie et dans les Vosges.
« Souvent, le public a une image un peu biaisée d’à qui appartient la forêt. On a l’impression que la forêt est à tout le monde, que c’est un bien commun, qu’elle est gérée par l’État. En fait, la réalité est complètement différente. En France, près de 75% de la forêt appartient à des propriétaires privés », détaille Julie de Saint Blanquat à La Relève et la Peste.
L’association se concentre donc essentiellement sur de petites parcelles, afin de créer ce que l’on appelle des îlots de sénescence, des « petits patchs de forêts que l’on laisse vieillir ». Ces îlots vont permettre aux espèces menacées de continuer à trouver de quoi se nourrir, se loger, se reproduire, mais aussi de circuler entre des réservoirs de biodiversité plus conséquents.
Les îlots de sénescence s’inscrivent dans le cadre de la trame verte et bleue, développé par les scientifiques, devenu également un outil d’urbanisme ayant permis de cartographier à différentes échelles les réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques qui permettent de lier ces réservoirs entre eux.
« On ne se rend pas compte qu’on est en train de perdre une grande partie de cette biodiversité, comme les champignons, les lichens, certains oiseaux et insectes, même les bois morts, parce qu’on intervient de plus en plus en forêt et de plus en plus tôt. On ne laisse plus les conditions pour que ces espèces, qui représentent pourtant 25 à 40% de la biodiversité forestière, subsistent », ajoute la cofondatrice à La Relève et la Peste.
 
Quatre ans après le lancement du projet, l’association espère cette année acquérir une cinquième parcelle, par le biais de petites annonces, mais aussi par le bouche-à-oreille. Avant l’achat, il est nécessaire de se renseigner sur le foncier, bien sûr, mais aussi sur le peuplement, les essences présentes et leur ancienneté.
« Nous cherchons nos parcelles dans des zones qui ont un intérêt écologique notable. Soient qui sont déjà classées, Natura 2000 ou Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et qui sont intégrées dans des massifs forestiers. On ne choisit pas des parcelles en plein milieu des champs ou près des habitations », poursuit Julie de Saint Blanquat pour La Relève et la Peste.
Une démarche qui permet de limiter le risque de promenade ou de cueillette, les parcelles n’étant pas clôturées. « Ce serait contre-productif, on cherche avant tout à ce que la faune puisse circuler ».
« Des îlots de sénescence sont mis en place dans les forêts publiques depuis une dizaine d’années, par l’ONF ou quelques propriétaires également, mais souvent dans des zones inaccessibles ou peu productives », ajoute la cofondatrice d’États Sauvages.
Tout l’intérêt du projet « Forêt Sauvages » réside donc également dans le fait de mailler, à terme, un maximum du territoire national, et notamment des parcelles à forte valeur économique et où peut être exercée une forte pression de l’urbanisation, comme sur leur parcelle en région parisienne.
 
Le temps de la forêt n’est pas celui de l’humain
D’autant qu’aujourd’hui, les petites forêts à vendre sont prises d’assaut.
« Elles partent plus vite qu’un studio à Paris. Surtout dans des zones comme l’Île-de-France ou périurbaines, où il y a une tendance à vouloir un hectare de forêt mais sans savoir quoi en faire par la suite. Dans les campagnes, on en fait du bois de chauffage pour son usage personnel, mais en ville, beaucoup les revendent quelques années après, en se rendant compte des risques, de l’entretien… », commente Julie de Saint Blanquat.
Aujourd’hui, certains propriétaires viennent directement au contact de l’association pour proposer leurs forêts, soit en donation, en leg ou à la vente. « Nous ne pouvons bien sûr pas tout acheter, ni à n’importe quel prix, mais c’est un message très précieux ».
Aussi, l’association tient à le rappeler, elle n’est pas constituée d’une équipe de scientifiques mais de citoyen.ne.s.
« Aucune analyse n’est réalisée sur nos parcelles mais ce n’est pas tellement un souci puisque le temps de la forêt n’est pas celui de l’être humain. On a tendance à vouloir obtenir des résultats rapides, alors que l’étude des forêts se compte en décennies, mais surtout en siècles », précise la cofondatrice pour La Relève et la Peste.
Des travaux réalisés sur d’autres forêts, comme la Massane, permettent d’avoir un recul de plusieurs dizaines d’années sur les bienfaits de ces pratiques pour la biodiversité. Mais aussi pour la résilience des forêts dans un contexte de changement climatique.
« C’est un phénomène qu’on ne maîtrise pas du tout sur les forêts. Il y a deux approches, l’une  interventionniste, qui est très présente et qui fait tourner le business, et une approche qui est plus à l’écoute de la nature, de son adaptation et se dire qu’elle ne sera peut-être pas aussi productive pendant un temps mais qu’elle sera capable de trouver les réponses », conclut Julie de Saint Blanquat.
Sources : « Qu’est-ce qu’une forêt primaire ? », Association Francis Hallé pour la forêt primaire / « Projet Forêt Sauvage », Association États Sauvages /
Juliette Boffy
18 avril 2024


Catégorie : Activités - Articles divers-2024
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